Harcèlement scolaire : psychologie des victimes et des bourreaux

harcelement scolaire victime

Le harcèlement scolaire est un problème de société qui touche de nombreux enfants partout dans le monde. Il peut avoir de graves conséquences sur leur développement psychologique. 

Pour lutter contre le harcèlement scolaire, il est indispensable de chercher à comprendre la psychologie des victimes, des harceleurs et des témoins passifs.

Il est également crucial de prendre en compte l'effet de groupe qui contribue à la perpétuation du harcèlement.

 

Harcelés et harceleurs : quels adultes seront-ils ?

Nombreux sont les enfants qui ont été harcelés à l'école pendant des années sans que personne ne le sache. Devenus adultes, ces anciennes victimes de harcèlement scolaire sont encore à se mesurer à des problèmes aigus de sentiments de culpabilité, de honte injustifiée, de manque d'estime de soi.

Certains souffrent d'un syndrome de stress post traumatique ou d'un trouble de la personnalité (personnalité antisociale, évitante, borderline, ou paranoïaque). 

Quant aux anciens harceleurs, leur sort n'est pas plus enviable. Les études montrent que les enfants harceleurs qui grandissent sans jamais prendre conscience du mal qu'ils ont fait sont aussi des personnes qui développent très mal leur intelligence émotionnelle. Ils seront donc peu aptes à être conscients de leurs émotions et de celles des autres, et c'est un véritable handicap psychologique. Celui-ci peut altérer toutes leurs relations sociales. Ils sont d'ailleurs très nombreux à tomber dans l'isolement social ou dans la délinquance. 

 

Enfants harcelés : "Au revoir l'insouciance, bonjour l'enfer !"

Un enfant est par nature insouciant… et très vulnérable. L'enfant est en apprentissage du monde qui l'entoure, et aussi de lui-même. Il construit son identité en testant ses habiletés ainsi qu'en en portant des jugements sur lui-même et sur les autres. Au fur et à mesure qu'il grandit, il s'adapte à son entourage en intégrant les codes indispensables pour pouvoir interagir socialement ainsi qu'avec ses proches.

L'enfant qui subit régulièrement des brimades au sein de son établissement vit une situation où aucun code ne fonctionne. S'il est gentil, il est méprisé et continue à être malmené; s'il rend les "coups", il en reçoit encore plus; s'il se plaint à l'instituteur, il passe pour un délateur et risque des représailles

Le harcèlement, qui est en soi une souffrance inouïe, est également vécu comme une impasse absolument incompréhensible pour un cerveau d'enfant.

harcelement scolaire triste fille

 

Psychologie de l'enfant harcelé

Si l'enfant harcelé n'est pas écouté et défendu, un processus psychologique de défense se met spontanément en place. Il est fait de 4 étapes.

  • Étape 1
    Dans un premier temps, l'enfant commence par ressentir des émotions difficiles. Celles-ci se renouvellent constamment avant d'avoir pu être évacuées: colère, peine, tristesse, rage…
  • Étape 2
    Il va réfléchir à sa situation, et, avec sa vision d'enfant, il peut être amené à penser (à tort) qu'il a une responsabilité dans ce qui lui arrive. C'est peut-être pour cette raison que certains enfants ne se sentent même pas capables de parler de leur calvaire. Les autres raisons peuvent être la crainte de décevoir les parents, de leur faire de la peine ou de leur causer du souci.
    Pendant cette période, l'enfant s'accommode comme il peut de ce qu'il vit: à l'école il fait tout pour esquiver les situations menaçantes; à la maison, il s'occupe l'esprit pour ne pas trop penser (souvent, devant les écrans…).
  • Étape 3
    Les émotions initiales vont se muer en sentiments qui vont habiter l'enfant en permanence. Sous l'emprise du harceleur, se sentant insignifiant face au groupe qui le méprise, l'enfant va se replier sur lui-même. Il va être en proie à l'insécurité, la peur (voire, la  terreur), la honte, la culpabilité…
  • Étape 4
    Au bout d'un certain temps, cet enfant n'est plus en mesure de supporter une telle accumulation de violence et d'humiliation. Ses capacités cognitives (pouvoir de réflexion) en sont altérées. C'est le moment du décrochage scolaire, de la phobie scolaire, des symptômes physiques de mal-être (maux de ventre, insomnies)... autant de signes d'alerte que les parents et le personnel de l'établissement doivent absolument prendre au sérieux. 
    Des troubles psychologiques variés peuvent faire leur apparition: troubles d'anxiété (y compris anxiété sociale), TOC (troubles obsessionnels compulsifs), dépression, colère et rage (qui peuvent mener à terme à des actes de violence extrême), troubles de l'image de soi, etc.
    S'ils ne reçoivent pas d'aide à ce stade, certains enfants en arrivent à chercher des solutions radicales pour que tout s'arrête enfin. Le suicide est malheureusement l'une d'elles. Plus de 60% des personnes qui ont été victime de harcèlement scolaire avouent l'avoir envisagé.

 

Enfant harceleur : "Celui qui souffre fait souffrir les autres''

Les motifs de harcèlement choisis par les bourreaux sont tous mauvais. Rappelez-vous de l'année 2010 où des élèves de grandes classes de collège s'en prenaient aux jeunes de 6ème sous prétexte qu'ils étaient nés en 2000. Difficile de trouver prétexte plus ridicule! 

L'origine du harcèlement est donc plutôt à chercher chez les enfants bourreaux. Par exemple, presque tous les harceleurs sont des anciens harcelés (par des camarades de classe, des voisins du quartier, voire des parents toxiques ou des frères/soeurs problématiques). 

Même s'il n'a jamais été harcelé, l'enfant bourreau est presque toujours quelqu'un qui porte en lui une blessure psychologique. Exercer sa domination sur l'autre a pour effet de l'en soulager, au moins partiellement. Ainsi, la motivation inconsciente du harceleur est généralement la compensation d'un mal-être ayant trait à son histoire personnelle tandis que sa motivation consciente serait le désir d'obtenir une réputation de "dur à cuire".

Le harceleur va choisir un bouc émissaire de façon inconsciente, mais certainement pas au hasard. S'il a des difficultés scolaires, il optera pour l'élève brillant de la classe; s'il est issu d'un milieu social défavorisé, il sera attiré par les "fils de riches"; si le parent qui le tyrannise est ouvertement antisémite, il le réhabilitera à ses propres yeux en agressant un Juif, et ainsi de suite…

 

Comment le harceleur se justifie-t-il à ses propres yeux ?

Du point de vue du harceleur, le bouc émissaire choisi perd sa qualité d'être humain pour ne devenir qu'une caractéristique (un "fayot", un "né en 2000", etc…). Il est déshumanisé, comme disent les psychiatres. Par une logique implacable, la victime n'est plus apte à être considérée comme une personne. 

C'est ainsi que les harceleurs s'autorisent à violenter, puisqu'ils se trouvent désormais face à une caractéristique et non face à un être humain. Car il est clair que si le harceleur voyait son camarade comme quelqu'un qui est comme lui, il serait tout simplement incapable de le faire souffrir…

 

Quid des enfants témoins de harcèlement scolaire ?

La psychologie s'est moins penchée sur le sort des témoins passifs de faits de harcèlement à l'école. Ce sont des enfants qui doivent gérer leurs sentiments de culpabilité (de ne pas intervenir), de peur ou d'impuissance face à cette situation. Certains craignent de subir des représailles s'ils prenaient parti pour la victime. Dans tous les cas, ils ont un rôle essentiel dans la dynamique complexe qui se met en place au sein du groupe agresseur, comme nous allons le voir.

 

L'effet de groupe et sa problématique dans le harcèlement scolaire

Le harcèlement scolaire est toujours une problématique de groupe. Chez les enfants, le groupe rassure, socialise et donne un sentiment d'appartenance. 

En psycho-sociologie, l'effet de groupe (ou phénomène de groupe) désigne une situation où chaque membre du groupe croit qu'il réfléchit et agit de la bonne façon, alors que son opinion est faussée par la conviction que "tout le groupe pense comme moi". 

Ainsi, même dans le cas où ce qui est approuvé par le groupe est mal (ici: harceler un camarade), l'existence du phénomène de groupe fait que chacun pense qu'il a raison d'agir de la sorte. Et ceux qui ne disent rien et laissent faire pensent qu'ils ont raison aussi.

Les psychologues démontrent qu'en ne protestant pas, les témoins passifs soutiennent efficacement les agissements du groupe. Parce que sans eux, il n'y aurait pas de phénomène de groupe, et donc pas de harcèlement possible. Certains affirment qu'il suffirait d'un enfant qui prenne parti en faveur de la victime pour que l'effet de groupe soit rompu et que le harcèlement s'affaiblisse ou cesse.

 

Prise en charge psychologique des victimes et des bourreaux

L'enfant victime de harcèlement doit trouver chez les adultes auxquels il se confie, qu'ils soient parents ou enseignants, un soutien à 100%. Il doit sentir qu'on prend son problème très au sérieux, qu'on est décidé à le régler, qu'on fait tout ce qu'il faut pour que le harcèlement cesse

Il est utile de mentionner ici deux numéros verts

  • le 3020 pour les victimes de harcèlement à l'école ou au lycée, ainsi que pour leurs proches.
  • le 0800200000 pour les victimes de cyber-harcèlement.

 

Au niveau de la prise en charge psychologique de l'enfant harcelé, une thérapie axée sur l'accueil de ses émotions et leur validation ainsi que sur l'apprentissage de nouvelles façons de réagir face à l'agresseur peut l'aider efficacement.

 

Les thérapies de groupe, les groupes de parole ainsi que les discussions au sein de la classe organisées par des éducateurs formés à ce problème sont très utiles. 

À noter qu'une fois que les faits de harcèlement ont cessé, une prise en charge psychothérapeutique des anciens harcelés est souvent indispensable, même longtemps après les faits. 

Quant aux bourreaux et aux témoins, ils devraient également être suivis par un professionnel. Il s'agit pour eux de comprendre ce qu'ils ont infligé aux autres et d'intégrer les valeurs morales et les compétences émotionnelles indispensables à notre vie en société.

 

Isabelle Y.
Rédactrice Web / Psy / Médical

Publié le 22/02/2023