Bigorexie: quand le sport devient une addiction

Personne ne conteste les bienfaits du sport pour la santé physique ainsi que psychologique. Mais s'il est pratiqué de façon excessive, s'il devient le centre des préoccupations de la personne, s'il est associé à une obsession au sujet de la morphologie du corps, on a affaire à un trouble appelé bigorexie.


Une dépendance sans substance

La bigorexie fait partie des addictions comportementales. Elle s'installe suite à une pratique de sport trop intensive. Cette pratique intensive va produire dans le cerveau des substances qui vont:

  • Activer le circuit de la récompense. Il utilise la dopamine qui donne une sensation de plaisir.
  • Supprimer la douleur. C'est l'effet des endorphines. La personne bigorexique a tendance à ignorer ses blessures.
  • Favoriser la bonne humeur et le sommeil grâce à la sérotonine.
  • Permettre la libération d'énergie pendant l'effort à l'aide de l'adrénaline, l'hormone du stress.

À un certain niveau d'effort physique, le sportif ressent un bien-être intense appelé "extase du sportif".  Comme dans d'autres addictions, pour retrouver cette sensation, il aura besoin de produire à chaque fois plus d'hormones pour un même résultat.


Un trouble du comportement

Cette chimie du cerveau expliquerait l'installation de la dépendance. Celle-ci se manifeste par un trouble du comportement:

  • La pratique devient excessive, le sportif ne se ménage pas des temps de repos suffisants par exemple.
  • Elle peut générer des blessures (musculaires, articulaires). Chez les femmes, des troubles spécifiques apparaissent (arrêt ou modification du cycle menstruel par exemple).
  • L'activité devient compulsive. Le sportif ne peut s'empêcher de pratiquer. Par exemple, s'il a des blessures, il changera de sport mais continuera à s'entraîner.
  • Cette pratique intensive peut impacter ses relations interpersonnelles, son travail, ses activités habituelles et conduire à l'isolement social.
  • Dans la bigorexie, le sportif peut avoir une perception fausse de son apparence physique (dysmorphophobie). Il cherche à corriger ses prétendus défauts par le développement musculaire. Ou simplement, soumis à la pression sociale, il veut avoir un beau corps (complexe d'Adonis). Dans les deux cas, cela va jusqu'à l'obsession.
  • Sa relation à la nourriture peut être aussi faussée. Il va s'imposer des règles alimentaires extrêmes, avoir recours à des compléments alimentaires sans supervision, voire à des substances dopantes.

Ce processus se met en place très lentement.


Un piège insidieux

La bigorexie s'installe de façon insidieuse. Par exemple, la personne se met au sport pour une bonne raison (arrêt tabagique, régime, etc) puis finit par "en faire trop". Très souvent, l'activité sportive vient compenser un mal être, une carence émotionnelle, une image de soi négative. Le bien-être et le plaisir vont aider à supporter une réalité douloureuse, tandis que les changements physiques donnent de la confiance en soi. Mais le trouble s'installe quand la dépendance est là et qu'on en arrive à une recherche de perfection… qui ne peut être atteinte!


Une prise de conscience salutaire

La bigorexie a été reconnue comme une addiction par l'OMS en 2011. C'est souvent l'entourage qui remarque les premiers changements chez le sportif addict. Ou le médecin, consulté à l'occasion d'une blessure due aux entraînements par exemple. Car le sportif lui-même, qui ne voit pas sa souffrance psychologique, se sent plutôt bien… tant qu'il s'entraîne!

Un signe important est la sensation de manque à l'arrêt de l'activité sportive. Elle se manifeste par des symptômes d'anxiété ou de dépression, de tristesse, d'irritabilité.

Il existe des questionnaires d'évaluation de la bigorexie, mais le diagnostic doit être fait par un psychologue ou un médecin addictologue. Les traitements les plus efficaces de la bigorexie utilisent les TCC (thérapies cognitivo comportementales). Les médicaments peuvent apporter un soutien transitoire